Le jardin d'Eros

Il est dit par certains que la capacité naturelle de penser avec son sexe est l’apanage des hommes. En réalité il n’en est rien, les femmes en jouissent toutes autant. J’ai bâti cette pièce sur ce postulat. Dans cette histoire, les tendances prédominantes contemporaines des rapports hommes-femmes sont inversées : la femme dominera l’homme dans les faits immédiats et l’homme semblera les subir sans rébellion. Mais, lorsqu’il décidera de rompre, il sera plus expéditif dans le choix des moyens pour y parvenir.

La fin est un jugement. Je l’ai voulu au 2ème degré en choisissant celui du Diable. Ainsi conclut-il : « Je pense qu’il faut punir les femmes pour leur manque de discernement ; je les condamne à rester statufiées quelques siècles. » Il punit les femmes sévèrement parce qu’elles n’ont pas été suffisamment mauvaises, et puisqu’il est le Diable, il laisse les hommes vivre pour perpétrer le mal. « Quant aux trois hommes, je les condamne à vivre tant qu’ils seront en âge de procréer ; il faut assurer notre divertissement pour les siècles à venir ! » dit-il.

Pour exprimer ça avec légèreté, il m’était évidant d’adopter la maxime de Molière que m’enseigna jadis mon maître vénéré : Castigat ridendo mores ! En riant châtier les mœurs. J’ai donc sans scrupule égratigné nos déviances par quelques clichés : La trahison (La partie de scrabble) ; la fatuité (La star) ; le harcèlement sexuel et le pouvoir de l’argent (La banquière), etc.

Pour le jeu des acteurs, j’ai voulu faire un contraste fort entre personnalités féminines et masculines. Dans les actes I et II, les hommes sont soumis en apparence. Ils s’expriment donc plus par l’expression corporelle que par la parole ; surtout dans l'acte II. Quant aux femmes, elles parlent beaucoup et dans des registres très différents : populaire, artiste infatuée, femme d’affaire autoritaire, etc. Dans l'acte V, statufiées, elles parlent encore, mais en voix off. Par contre, les hommes, libérés, s’expriment avec emphase.

Daniel Angot

 

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"Le jardin d'Eros" Joué en novembre 2013 (5 représentations) par l'atelier Mise En Scène  à Herbignac (44), sous la direction de Christophe Héridel.

 

Extrait de l'acte IV : 

- Bonjour madame, soyez la bienvenue !

- Quel chouette endroit, où suis-je ?

- Vous êtes au jardin d'Eros. Un club privé pour dames.

 

Ô mon Christian pourquoi faut-il que je subisse Ce manque insupportable, la chaleur de tes cuisses. Ô bourreau adoré, pourquoi… (Elle s’interrompt, va vers Constance) Quelle ambigüité ! On perçoit ici la dualité de l’âme de l’artiste. Elle exprime, en un silence fracassant, une tendance bisexuelle par des courbes d’une masculinité féminisante. C’est négativement transcendantal… cette chaleur glacée vous tourne l’estomac dans le sens commun ! Vraiment, l’artiste révèle ici toute l’harmonie discordante de la beauté masculine.

- C'est bizarre ce que vous dites. Moi, la grande Inès, je répétais le rôle principal d’une pièce de théâtre, intitulée « Mort d’une pétasse », pièce promise, compte tenu de mon immense talent ajouté à ma plastique irréprochable, à un succès flamboyant. Figurez-vous que, dans la scène finale de cette pièce divinisée par ma présence, un amant jaloux devait me tuer d’un coup de revolver. Eh bien il l’a fait. Il était mon amant à la ville comme à la scène… et ce n’est pas une balle à blanc que l’infâme me tira dans la poitrine ! Je glissai dans un puits glacial sans fond pour me retrouver ici ! Extraordinairement banal, non ?

- Ça alors, c’est à s’taper le cul parterre ! Je jouais au scrabble avec deux copines, je les taquinais en présence du régulier d’une d’entre elles, quand ils ont fait semblant de m’étrangler. Un voile noir, puis je me suis retrouvée ici. Comme vous…

- Dave… quel homme ! Avec Dave vous êtes Dulcinée du Toboso bouffant la lance de Don Quichotte ; Hélène reniant Ménélas pour l’arc de Pâris ; Bérénice voulant mourir pour l’inaccessible possession du Vésuve de Titus ; Sylvie chantant « Que je t’aime » à Johnny quand il cherche les allumettes… (Sabatte chante Que je t’aime, que je t’aime… sous les regards courroucés de Méphisto) oui, avec Dave vous jouez tous ces rôles à la fois et en sortez haletante, pantelante, au bord de l’évanouissement, mais comblée.

Extrait de l'acte V :

- Regardez-les ! On n’est jamais déçu par les humains ! Aussi bêtes que méchants ! Pour une fois, c’est la mante qui s’est fait bouffer par son mâle ! J’adore !

- T’as raison, Méphisto. Ils se donnent beaucoup de mal pour être mauvais, faut les récompenser !

- Ah oui ! Six beaux spécimens ! J’ai un faible pour la comédienne : prétentieuse, suffisante, orgueilleuse, vaniteuse…

- Mais sotte et sans envergure dans la méchanceté. Ma préférée, c’est la banquière : orgueilleuse, arriviste, autoritaire, rouée et criminelle ! Les autres ne cumulent pas autant de qualités.



L'atelier Mise En Scène dans "Le jardin d'Eros"