Vous qui appréciez ces rubriques, ayez la gentillesse de m’indiquer votre origine, pour quelle application vous consultez ces conseils d’écriture (scolaire, écriture d’un roman, autres), ce que cela vous apporte, etc.  

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Derrière les vitres, la pluie déforme la silhouette de la navette. Elle déborde le quai pour gagner L’Île-aux-Moines. Si proche, il n’en distingue qu’une masse sombre, mystérieuse, impénétrable. Puis le bateau fond dans l’opacité liquide. Les hallebardes élèvent de fugitives petites stalagmites sur le bitume. Diana Krall s’est tue, et il n’a pas envie de choisir un autre CD. Pour la troisième fois, il appuie sur le bouton « repeat ». La voix suave lui fait du bien… Let’s fall in love… Des pensées incohérentes déferlent, chacune effacée aussitôt par sa sœur naissante : elle se suicide pour une peine de cœur… Des Africains faméliques, accrochés à leur vie, font des kilomètres pour échapper à la sécheresse… Hier, Je ne suis pas allé au cimetière… C’est infect cette télé qui se gargarise des frasques de ce type, aux States… 

Il s’allonge à nouveau sur le divan du salon, allume la dernière cigarette du paquet entamé après le déjeuner, consulte sa montre. Dix-neuf heures… Le temps s’éternise… Solenn n’arrive pas… Ce matin, en partant pour la gendarmerie, elle m’a demandé de penser à un truc… Je ne sais plus quoi… 

Là-bas, vers la sortie du golfe, le soleil disparaît vite en septembre. Lentement, la pénombre estompe meubles et objets. Il devrait allumer ce spot qui avive les nuances de cette toile où l’ombre est ruine et la lumière fleur. L’allumer suffirait à égayer la pièce, l’aiderait à vaincre l’inquiétude qui l’envahissait ; insidieusement. Mais il faudrait qu’il s’extraie de ce divan…*

8) le style

Nous avons vu précédemment : l’imagination, la description, les sens, les dialogues, la lisibilité, la ponctuation. On pourrait approfondir encore chacune de ces rubriques, tout n’a pas été dit, si tant est que l’on puisse épuiser chaque sujet ! Comme je vois que vous fatiguez, je vais passer à quelque chose de plus ludique. Mais vous n’allez pas vous en tirer comme ça, j’y reviendrai, et peut-être même dans ce qui va suivre. Car je vais tenter de vous donner quelques tuyaux sur un thème qui a fait et fera user encore les claviers sur les forums, j’ai nommé… the style !

La vache ! Ça vous remue le grand zigomar le style ! J’en vois certains qui tentent d’en posséder un avant même de savoir écrire correctement… c’est normal, puisque le style c’est… c’est quoi au fait ?

Vous en aurez vraiment un lorsque les publicateurs se diront sans avoir pris connaissance de votre pseudo : « c’est Untel qui a écrit ça ! ». J’exagère à peine. Le style, c’est la signature de l’auteur. C’est en quoi il n’écrit pas pareil que les autres, au point qu’on le remarque.


Comment y parvenir ? Pour commencer et faire simple, il y a deux actions possibles : le vocabulaire et la syntaxe.

 

a) le vocabulaire.

Choisir les mots expressifs et savoir les doser.

Le texte est fait de noms, de verbes, d’adjectifs, d’adverbes qui précisent le verbe, de déterminants qui précisent le nom (un arbre - l’arbre - les arbres), de prépositions et conjonctions. Ces deux dernières ne sont pas des mots sémantiques mais syntaxiques. Contrairement aux autres mots, ils ne signifient rien en eux-mêmes, ils prennent leur sens en reliant les mots entre eux. Comme le ciment assemble les parpaings.

Normalement, quand nous écrivons, tous ces mots nous viennent spontanément. Bien sûr Daniel ! C’est évident, nous ne sommes pas illettrés ! me dites-vous. Certes, mais un des secrets du style consiste à doser volontairement leur proportion pour provoquer un certain effet sur le lecteur », vous réponds-je. Ça vous la coupe ça, hein ?

 

Il semble que les proportions courantes soient :

Les noms : 30% (sujets et compléments)

Les verbes : 20%

Les adjectifs : 10%

Les 40% restants représentent les autres mots.

 

Supposez que vous vous vouliez donner un caractère miséreux à votre récit. Au hasard, la description d’un taudis, par exemple. Vous allez donc décrire et qualifier. Comment ? En augmentant la dose d’adjectifs lourdement suggestifs : abject, sale, fétide, infect, sordide, obscure, ténébreux, ignoble, dégueu, etc. Victor (nous sommes très intimes, lui et moi), pour cette raison, approche les 30% d’adjectifs dans « Les Misérables ».

Dans les récits d’aventures, où l’action est prépondérante, quels types de mots devront être augmentés ? Les insultes ? Non, pas les insultes, abruti ! Les verbes ! Les scènes d’action demandent par définition du dynamisme et du mouvement. Les verbes sont parfaits pour ça.

Si vous inclinez vers la philo, si, y en a, j’en ai vu des comme ça ! J’évite de participer à la correction de leurs textes, ça me coûte une boite d’aspro à chaque fois ! Si donc vous philosophez, privilégiez les noms. L’abondance de noms crée une distanciation par rapport au concret en marquant l’intellectualisation.

Comme toujours, gardons-nous d’abuser en usant systématiquement de ce principe. Chez les auteurs confirmés, on s’aperçoit que la proportion noms/verbes/adjectifs est assez équilibrée et qu’ils créent volontairement un déséquilibre pour aller ponctuellement vers un but visé.

 

Nous utilisons tous abondamment et inconsciemment, qui du verbe, qui de l’adjectif, qui du nom et d’autres termes encore. Puisque maîtriser son style c’est entre autres maîtriser le dosage, il faut se connaître pour se corriger. Prenez trois marqueurs de couleurs différentes et coloriez un de vos textes, tirez la conclusion.

Le défaut le plus courant est l’abondance d’adjectifs décoratifs du type : ciel lourd, nuages gris, vertes prairies, clairs ruisseaux, etc.

À la relecture, virez la moitié de ces adjectifs trop convenus et pour l’autre moitié, cherchez un verbe ou un nom plus précis (tiens, on reparle de la précision du vocabulaire) :

Exemples :

Le ciel noir > le ciel s’assombrit.

Une maison délabrée > une masure.

Un type prétentieux et vaniteux > un crâneur.

Une fille antipathique > une pimbêche.

Mais généralement, pour éviter la monotonie (de laquelle, tout comme de la routine, naît l’ennui), faites supporter l’idée principale par un verbe d’action. Les noms et les adjectifs sont statiques. Ils décrivent des états et non des actions. Le bon style se construit à l’aide de verbes et de verbes précis d’action. La proportion d’adjectifs doit restée modérée, sauf exception motivée.

C’est tout pour cette fois, mais on n’a pas fini avec le style.

 

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