Vous qui appréciez ces rubriques, ayez la gentillesse de m’indiquer votre origine, pour quelle application vous consultez ces conseils d’écriture (scolaire, écriture d’un roman, autres), ce que cela vous apporte, etc.  

 

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8) la lecture

Vous voulez améliorer votre écriture ? Apprenez ou réapprenez à lire.

D’abord un petit rappel :

Notre œil fait une première fixation (25/100 de seconde) pour saisir un mot long ou un groupe de mots courts. Il met ça en mémoire à court terme. Il fait un nouveau bond pour saisir le groupe de mots suivant, le fixe, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la phrase.

À cet instant, tous les mots enregistrés dans la mémoire de travail font sens en relation des uns aux autres. L’esprit vide alors cette mémoire de travail, pour ne conserver que le sens dans la mémoire à plus ou moins long terme.

Et ça fonctionne ainsi jusqu’à la fin du bouquin, si bien qu’après l’avoir refermé nous ne conservons que le sens du texte, sans être capable de le réciter mot à mot.

De cette connaissance sont venues les techniques dites de lecture rapide ou efficace.

Êtes-vous bon ou mauvais lecteur ?

a) Vous articulez en lisant. Vous percevez alors environ 180 mots à la minute, alors qu’en lisant seulement de l’œil vous pourriez quadrupler cette vitesse sans perte de sens.

b) Vous êtes peureux : vous revenez en arrière à la moindre difficulté. Si vous êtes téméraire, vous estimez que la difficulté sera effacée par les mots qui suivent et vous foncez.

c) Vous lisez lentement à une vitesse uniforme. Vous pourriez accélérer dans les passages faciles ou de peu d’intérêt (peut-être même sauter du texte ?). Mais surtout ralentir si le texte est difficile, passionnant et savoureux.

d) Vous lisez un annuaire ou un roman de la même manière. Misère… honte sur vous !

e) Vous lisez sans anticiper sur le texte futur ? Ça ne vous intéresse pas de chercher à deviner la pensée de l’auteur ?

f) Vous croyez avoir appris à lire à l’école primaire ? Malheureux ! Vous devez vous perfectionner jusqu’à votre fin en ce monde.

Alors ? Bon ou mauvais lecteur ? Mauvais, alors vous êtes aussi, mon pôvre, un mauvais écrivain. Et je vous incite vivement à lire ou à relire ma chronique sur la lisibilité.

Pour vous aider, lecteurs cancres, je viens de me farcir, en lecture rapide, un laïus sur notre triple cerveau. Diantre ! Voilà une certitude qui vole en éclat : j’étais jusqu’alors persuadé, et heureux d’en avoir un, séparé en deux morceaux, certes, mais formant un tout. Je vais quand même aller passer un scanner pour vérifier. Trois cerveaux… ça fait pleurer les blondes…

Donc, on récatipule :

1) Le cerveau reptilien. Présent chez les reptiles, subsiste en nous à la base du crâne. Il contrôle nos pulsions vitales de survie et de reproduction. Il doit être très développé chez les mâles qui réfléchissent avec leur sexe ! Bien sûr, c’est bien ça, je lis plus loin qu’il fonctionne de manière automatique, réflexe et largement inconscient.

2) Au centre et au-dessus, le cerveau limbique. Centre de l’affectivité et des réflexes qui permettent l’apprentissage et la mémoire. Le mien doit être devenu minuscule…

3) Tout autour, le cerveau cortical, existe seulement chez les mammifères supérieurs, développé chez l’homme (Vérifiez à quel genre de mammifère vous appartenez avant de continuer cette lecture). Il est le centre des fonctions intellectuelles : analyse, synthèse, logique, raisonnement, intuition, sens esthétique, etc.

Voilà donc trois cerveaux pour trois fonctions de lecture. Eh oui !

Le lecteur intellectuel (les scientistes disent lectant).

C’est en nous le plus conscient, le plus réfléchi, le plus éduqué (cerveau cortical). C’est le lecteur professionnel, conscient qu’il a un livre entre les mains écrit par un auteur qui a créé l’intrigue, les personnages, le déroulement, etc.

Socialement, c’est le professeur, l’étudiant, le critique, le journaliste, l’éditeur, etc.

Le lectant a une personnalité double : le lectant-jouant et le lectant-interprétant.

Si vous cherchez à deviner la stratégie narrative du romancier, vous êtes jouant.

Si vous tentez de déchiffrer, à travers les indices du texte, le sens global de l’auteur, son message, vous êtes interprétant.

 

Le lecteur affectif (le lisant).

C’est la part du lecteur qui consent à l’illusion romanesque (cerveau limbique). C’est celui en nous qui joue le jeu de l’auteur, s’abandonne à la lecture.

C’est le type de lecteur le plus fréquent. Il est souvent guidé par la part d’enfant qui subsiste en lui. Celui qui croyait aux fées, au Père Noël. Celui qui, fuyant la dure réalité quotidienne, s’inventait un autre monde lui convenant mieux. Cette part d’enfant qui cultive le moi de notre narcissisme. Ce moi qui voudrais une reconnaissance de nos mérites chez les autres. Qui nous pousse à prendre le parti des victimes. À vouloir secourir Cosette.

Le lisant domine chez tous ceux dont la lecture est avant tout une évasion ; et chez tous au moment où nous nous laissons prendre par l’histoire.

 

Le lecteur pulsionnel.

Si vous ne ressentez rien en lisant des textes érotiques ou violents, sautez ce paragraphe (lecture rapide). Mais en fait, ce n’est pas là l’essentiel, dit l’auteur de l’excellent ouvrage dont je tente ici de vous rapporter la quintessence (« Le travail du style littéraire » de Louis Timbal-Duclaux – Éditions Écrire aujourd’hui). La motivation du lecteur pulsionnel, c’est… le voyeurisme.

« Le voyeur, est celui qui, sans être vu, contemple à leur insu, une ou plusieurs personnes dans des actes intimes et y prend un plaisir trouble, mêlé de la peur d’être surpris. » dit l’auteur.

Quel lien avec le lecteur ? Facile : ne sommes-nous pas quelque peu en position de voyeur lorsque nous lisons un roman ? On peut, sans intervenir ni être démasqué – et pour cause ! – contempler des actes que la société réprouve (sexualité, violence) et aussi voir ce qui se passe dans la tête des autres grâce au narrateur omniscient. Et cela sans angoisse puisque ce plaisir est socialement et psychologiquement légitime, car on nous encourage dès le plus jeune âge à la lecture ! Alibi parfait.

La lecture a donc un triple bénéfice, vous l’avez compris, je ne vais pas m’étendre. Un peu quand même pour ceux qui ont du mal à suivre.

Le niveau le plus conscient nous apporte un bénéfice culturel. Ça c’est clair.

Le niveau limbique contribue à notre enrichissement affectif, par comparaison, entre autres, de la psychologie des autres avec la notre. Par différence nous saisissons, plus ou moins consciemment, ce qui constitue notre originalité propre. Parce que « en dehors du champs littéraire, il nous est absolument impossible d’accéder aux sentiments intime d’autrui. » C’est bien vrai ça ma bonne dame, je n’y avais jamais pensé ! Doit me manquer le cortical, il faut absolument que je fasse ce scanner.

Enfin, la lecture, par le niveau pulsionnel nous révèle que nos pulsions secrètes existent aussi chez les autres. Cela nous rassure sur notre normalité et contribue ainsi à notre équilibre.

Parvenu à la fin de cette analyse sommaire (si vous voulez en savoir plus, achetez le bouquin), pourquoi donc serais-je un mauvais écrivain si je suis mauvais lecteur ? Me direz-vous. Je pourrais vous répondre : parce que ça tombe sous le sens, mais comme je suis de bon poil, je vais continuer à synthétiser pour vous ce qui est essentiel dans une nouvelle ou un roman pour tenir le lecteur. Lisez lentement, votre avenir d’écrivain est résumé dans ce qui suit !

On part du postula qu’un bon romancier doit nous faire aimer ses personnages. Ça paraît raisonnable. Mais le verbe aimer possède un grand registre. Allons chez les Grecs : les anciens disaient que ce verbe divin recouvrait trois aspects : éros, agapé et philia.

Éros, c’est l’amour charnel, sexuel.

Agapé, c’est l’amour sentiment, l’affection tendre.

Philia, c’est l’amour intellectuel.

Ça ne vous rappelle rien ?

Imaginez que le même être fasse l’objet à la fois d’un amour sexuel, affectif et intellectuel, alors c’est l’amour passion.

Il en est de même pour les personnages de roman, ils peuvent être aimés sur les trois niveaux. Et si les trois coïncident…

Toutes les règles d’écriture visent à favoriser certains types de lecture chez nos futurs lecteurs. Voilà pourquoi il faut apprendre à reconnaître les trois manières de lire pour pouvoir mieux les exploiter en écrivant (tien, en lisant… en écrivant… ça me rappelle maître).

Conclusion : apprenez ou réapprenez à lire !

Pour terminer cette rubrique, je vais vous faire une confidence : toute cette théorie est belle, sans aucun doute juste donc respectable, mais perso, je m’en fous complètement ! Lorsque je lis un bon auteur, je lis lentement. Je m’en délecte. Le plus difficile est de ne pas se laisser entraîner par l’envie de connaître la suite. Lorsqu’on arrive à maîtriser cela, c’est encore plus jubilatoire. Prendre intérieurement l’intonation, la respiration du narrateur en respectant scrupuleusement sa ponctuation, jouer intérieurement les personnages d’un dialogue en entendant des voix différentes, vagabonder dans les descriptions, tout cela est jouissif. C’est ça la seule et véritable lecture de roman. Je vous la souhaite, car c’est aussi celle qui contribuera indubitablement à faire progresser vos talents d’auteurs.

 

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